Blabla - ma relecture de Twilight et mon analyse du phénomène mondial



Le 2 novembre 2005 sortait en France le roman d’une illustre inconnue, Stephenie Meyer, qui décida de raconter l’aventure d’une jeune adolescente de 16 ans, Bella Swan, qui rencontre un ténébreux et mystérieux vampire, Edward Cullen. 

15 ans plus tard, l’impact de Twilight sur la littérature, le cinéma, et la pop culture est incommensurable. Décrié, critiqué, rejeté, la saga Twilight est très loin de rassembler les masses comme peut le faire un Harry Potter. J’ai décidé de relire, plus de dix ans plus tard la saga littéraire de mon adolescence. Avec mon regard d’adulte et de lectrice assidue de Young Adult, mon avis a-t-il changé ? Comment analyser ce phénomène ? Les sujets qu’il traite ? C’est parti pour une analyse thématique du plus sanglant des phénomènes littéraires Jeune Adulte.


1. Le Mythe du Vampire

Souvent moquée, la figure du vampire dans Twilight est source d’une infinité de blagues. Principalement due à la fameuse scène du premier film où Edward se dévoile à Bella et se met à briller telle une boule disco au dessus de la tête de John Travolta. Mais le livre est bien plus subtil et créatif sur la revisite du mythe de vampire. 

Meyer débarque dans un univers visité et revisité à l’infini. Le sujet du vieux vampire séducteur de jeunes et innocentes humaines remonte - vous vous en doutez - à Dracula. Beaucoup d’œuvres ont réussi cependant à déconstruire ce trope pour l’adapter à un regard plus moderne. Comme je vous en parlait dans cet article en énumérant les représentations diverses des vampires dans la pop culture, on voit que beaucoup d’auteurices et de réalisateurices ont joué avec les codes de la modernité pour faire des figures vampiriques moins classiques, plus sanguinaires, plus violents, plus sexualisés. Sans nulle doute que Meyer s’est inspirée de Anne Rice, et notamment des tourments existentiels qu’on retrouve dans Entretien avec un Vampire pour décrire les questionnements sur la vie, la mort, la transformation et l’âme, qu’ont les vampires dans son roman. Chaque vampire a sa propre conception de son existence, de sa transformation, et même de sa nourriture. On retrouve également la figure importante de la « hiérarchie ». Ce sujet est assez commun dans l’univers vampire, et on le voit très bien dans une saga comme Underworld ou encore Buffy Contre les Vampires : il existe une « royauté vampirique » qui gère et chapote les vampires. C’est une organisation très oligarchique, absolument jamais contestée car reposant très souvent sur l’ancienneté et la richesse. Là encore, on retrouve ce système dans Twilight avec le clan des Volturi, clan de frères vampires régnant en maitre sur le bon déroulé et la discrétion du monde des vampires depuis leur forteresse italienne. 

Mais revenons donc à l’insolite et la déconstruction de la figure du vampire chez Meyer. Ainsi loin des clichés, les vampires vivent en plein jour, au milieu des gens, ont parfois des dispositions exceptionnelles (Edward Cullen est un télépathe, Alice Hale est capable de prémonitions, etc.), ils ne craignent ni l’ail, ni le soleil, ni les pieux, et n’ont absolument jamais besoin de dormir pendant des heures du jour dans un gros cercueil. Au lieu de ça, les vampires qui ont été transformés à l’âge de 17/18 ans sont condamnés à retourner au lycée et à la fac jusqu’à la fin de leurs jours. Imaginez un peu le cauchemar. Le pauvre Edward a environ 14 Baccalauréats, 18 licences, 22 masters pour finalement se retrouver à disséquer des oignons à côté de Bella Swan dans une bled paumé de Washington. 

Nouveauté également - ou bien si ce n’en est pas une je m’en excuse - les couleurs des yeux. Les vampires se nourrissant exclusivement de sang animal ont les yeux ambres tandis que les yeux des vampires se nourrissant d’humains sont rouges. Et les deux ont des yeux noirs quand ils viennent à manquer de nourriture. Cette nuance est plaisante et est assez importante dans le roman, et c’est un détail qui change et distingue les vampires entre eux. Enfin bien sûr, le coeur des blagues tumblr et twitter, la peau des vampires. La réalité du roman est beaucoup moins « drôle » que dans le film puisque la dureté de diamant de la peau reflète ainsi la lumière. C’est plus donc une réverbération de la lumière qui aveugle comme l’explique Bella (le mot « dazzling » est utilisé dans la VO donc elle ne peut fixer directement Edward en plein soleil). On est donc loin de la boule disco et plus du diamant qui miroite. 

Avec des éléments propres au roman et qui nourrissent l’intrigue comme les clans de vampire du monde entier, les nomades, ou encore les « nouveaux nés » aveuglés par la faim et la violence, Stephenie Meyer s’est totalement réapproprié la mythologie vampire pour proposer un contenu très nouveau et totalement novateur, ce qui n’est pas aussi facile avec une figure mythologique aussi vieille et popularisé, on peut au moins lui attribué ce mérite. 

De nombreuses critiques se butaient à dire « WAI MAIS LES VAMPIRES ÇA PEUT PAS ALLER AU SOLEIL ET C’EST PAS COMME ÇA ET NORMALEMENT ILS PEUVENT PAS ENTRER CHEZ LES GENS ET PI EN PLUS ILS ONT DES POUVOIRS C KWA ÇA ». Sauf que, comme toute figure mythologique, libre à tous et à chacun de s’approprier les codes et de jouer avec. La figure du vampire n’est et ne sera jamais un totem immuable codifié et soumis à une règle très spécifique, au même titre qu’une sirène, un fantôme, un loup-garou, un sorcier, un gobelin, un elfe et j’en passe. Ces critiques étaient un des nombreux prétextes pour décrédibiliser et rejeter l’oeuvre, mais ça, nous en parlerons plus tard.

2. Amour et consentement 

Twilight est l’essence même de l’histoire d’amour avec un grand A. C’est un amour qui se veut interdit, dangereux, comme elle aime le rappeler non subtilement Meyer en faisant des parallèles avec Roméo & Juliette que lisent et regardent Edward et Bella. De façon totalement objective, je trouve que le sentiment amoureux se développe graduellement, passant d’abord par une sorte de “fascination” (mdr vous l’avez) respective pour finir par un réel sentiment amoureux partagé. C’est bien écrit et bien amené, d’une façon pas réellement énigmatique car on sait que Edward et sa famille sont des vampires. L’amour qui lie Edward et Bella est sincère, fort, et ne subit aucune faiblesse car ils surmontent de nombreuses épreuves tous les deux qui les confortent dans leurs sentiments. 

Oui mais.

Car il y a un mais. 

Le topic  du consentement est à double vitesse. 

Sur la sexualité, le consentement est hyper central et très important. Je développe dans la partie suivante les raisons de cet attachement. Mais clairement Edward n’est pas très à cheval sur le consentement quand il s’agit des autres pans de la vie de Bella. C’est pour cela que de façon totalement arbitraire et effrayante, Edward décide de venir la nuit dans la chambre de Bella pour la regarder dormir. Elle lui donnera ensuite son accord pour être avec elle, mais bien sûr, qu’après l’avoir appris et être à moitié ravie de savoir qu’un mec chelou qu’elle connaissait à peine était entré par effraction pour l’observer à son insu. Edward exerce un contrôle  - quoique très subtile -  sur la vie de Bella : il lui dit constamment de ne pas se mettre en danger, de ne plus conduire sa vieille voiture mais d’accepter l’achat qu’il lui fait d’une nouvelle, etc. Cela étant, cela reste assez léger et très subtile. Mais cela a engendré des dérives monumentales dans l’idéologie amoureuse des fanfictions et des fanfictions qui ont percé comme Fifty Shades of Grey. Si vous vivez dans une grotte, la saga Fifty Shades of Grey est à la base une fanction Twilight où Edward Cullen était le CEO d’une entreprise dont le terrible secret n’est de ne pas être vampire mais … well you know the rest. 

On peut donc se poser la question de l’image que cela suggère, et surtout ses excès. Le côté “control freak” de Edward que ce soit sur sa propre existence (se priver de sang humain et de plaisir sexuel) ou de celle de Bella, a été souvent interprété - à tort - et extrapolé dans ces pires côtés pour le glamouriser. Or, dans certains aspects, je ne crois pas que c’est ce que cherchait Meyer. En tout cas, sur l’aspect uniquement sexuel, nous pouvons l’expliquer grâce à un élément bien différent. 

3. Sexualité  et la culture mormone 

Meyer a ses valeurs et ses principes mormons et les distille avec beaucoup de subtilités durant les trois premiers tomes pour finir par nous balancer au visage Breaking Dawn qui est une liste de course de tout ce que vous pouvez trouver de pire dans cette ferveur de la religion chrétienne. 

Revenons au début. 

Le tome 1, Twilight, met en scène deux personnages qui tombent amoureux et mettent un temps fou à se mettre en couple, et pire encore à s’embrasser. Difficile aujourd’hui de ne pas trouver une romance où les personnages ne s’embrassent pas au bout de 50 pages. Le sexe et l’intimité (entendez par là la masturbation, ou le contact charnel) est totalement prohibé dans la culture mormone et le baiser est souvent l’acte ultime, le climax, d’une relation. C’est pour cela que l’on voit beaucoup plus Bella et Edward s’embrasser, beaucoup, passionnément, à la folie, durant les 4 romans et que l’on compte et bien … deux scènes de fesses qui se déroulent toutes les deux après le mariage et de façon sous entendue car elles se passent  hors récit (ils se mettent au lit, s’embrassent, et le chapitre se termine). La relation Bella/Edward est à peine sexualisée, et elle passe par une demande pressante de Bella. Le sexe n’est pas un moment de partage, d’intimité et de plaisir (le sexe oral est d’ailleurs totalement prohibé) dans la culture mormone et ne sert qu’à un seul but : faire un enfant. C’est d’ailleurs pour cela que l’Eglise mormone inclut les personnes LGBTQI+ dans ses rangs à la CONDITION que ces dernières n’entretiennent JAMAIS de relations charnelles. 

Les principes mormons sont très prégnant dans la position et le discours que tient Edward tout au long de la saga. Sa relation à son propre corps et à celui de Bella n’est pas sans rappeler l’un des pilier de la religion mormone : le corps de la femme est considéré comme “aussi sacré” que celui de l’homme et ce dernier doit donc respecter son intégrité. Il est donc totalement prohibé d'asservir, abuser ou violer sa femme. Edward explique qu’il veut impérativement protéger Bella de sa faim … Parle-t-il réellement de son appétit du sang ou de son désir sexuel ? 

Ces propos sur la sexualité des mormons sont toutefois à nuancer, notamment par les recherches récentes sur la sexualité mormone démontrée par le sociologue mormon Wilford E. Smith. Depuis les années 70, la relation à  la sexualité a grandement évolué, et le plaisir féminin et masculin est un sujet qui a beaucoup avancé. Toutefois, dans une recherche datant de la fin des années 80 sur les pratiques sexuelles et la religion, les mormons ne sont “que” 60% a avoir des relations sexuelles avant le mariage ce qui les met juste au dessus des protestants fondamentalistes, mais bien loin derrière les juifs et les catholiques. 

La virginité de Bella est mise en parallèle à sa condition d’humaine de façon très peu subtile, et la volonté d’Edward de ne pas la transformer en vampire tant qu’ils ne sont pas mariés est une façon absolument pas déguisé de rappeler le sacro-saint principe religieux de l’intégrité des corps avant la célébration du mariage. C’est aussi pour cela que Edward est aussi à cheval sur le consentement et lui demande un nombre incalculable de fois si elle est sûre d’elle et de ses sentiments, si elle veut vraiment franchir le pas, etc. La religion chrétienne pour les populations occidentales a été l’une des premières influences sur la notion de consentement. Notamment chez les romains, la notion de consentement n’existait qu’à travers les hommes (le père et l’époux) lors du mariage. La religion chrétienne impose le consentement des partis lors de son très célèbre “souhaitez-vous prendre pour époux”. Bien sûr, la religion chrétienne n’a jamais empêché un mariage forcé ou arrangé, mais a au moins tenu à indiquer la valeur du consentement dans les voeux. Chez les mormons, le consentement est primordial et surtout dans l’acte sexuel. 

Le climax de ces analogies peu subtiles entre “vie des personnages” et les “principes rigoureux religieux” se déroule dans l’ultime tome de la saga avec l’arrivée non anticipée de Renesmée, le bébé de Bella et Edward. Si l’enfant tue progressivement Bella de l’intérieur, cette dernière interdit exclue d’emblée l’idée d’un avortement, considérant que la vie de son enfant prévaut sur la sienne. La perversité de Meyer va encore plus loin : la grossesse et la croissance se déroule tellement vite, que l’enfant ne reste embryon que quelques jours à peine avant de devenir véritablement être humain. Si ce propos m’a choqué jeune, c’était encore pire aujourd’hui. Je rappelle que dans tout pays avancé sur ces questions, la femme peut avorter à TOUT MOYEN DE SA GROSSESSE, si son intégrité physique et sa santé sont mis en danger. Ca a été un réel motif de rupture pour moi qui n’a pas pardonné à Meyer ce déversement peut subtile de ses idées anti-avortement. Cela dit, et à la différence de certaines grandes autrices de saga hyper connues que je ne citerai pas, Meyer a eu au moins le mérite de fermer sa gueule et de ne jamais utiliser les réseaux sociaux pour déverser ses pensées conservatrices et radicales. 

4. Le cas Jacob 

Vous avez vraiment cru que j’allais disserter pendant 20 pages sans parler de Jacob ? 

Malheureusement, même si j’aurais préféré ne pas le faire, je n’ai pas le choix. 

Allez, comme à la mer, on respire un bon coup et hop on plonge dans l’eau froide. 

Donc Jacob Black. 

Avant de dire du mal de lui, ce petit filou a failli me faire revoir ma copie dans New Moon (le tome 2). Je l’ai beaucoup moins détesté dans ce tome où il est encore un pré-ado hésitant, doutant, gardé volontairement dans le brouillard par sa famille pour le protéger de la réalité. Il s’avère donc être un ami courageux et présent pour Bella lorsque celle ci traverse sa dépression. Bien sûr, l’amour qu’il a pour elle grandira, mais il ne l’exprimera pas avec autant de force. 

Car c’est bien cela le problème avec Jacob et sa force et son absence totale de contrôle dessus. De sa transformation en loup-garou éveille ainsi la bête “sauvage” en lui (j’ai envie de me jeter de la javel dans les yeux d’écrire cette phrase my god). Du coup, Jacob ne se contrôle pas, ou peu, et cela monte crescendo dans sa relation avec Bella. Ce qui constitue d’abord une animosité et une jalousie envers Edward, devient très vite des menaces physiques, une pression psychologique envers Bella, et du chantage. Il coche absolument toutes les cases du manipulateur qui soustrait un baiser non désirée à Bella contre un chantage où il menace de se laisser tuer si elle refuse de l’embrasser. Ca mes enfants en droit français c’est une agression sexuelle. Tout acte soustrait à une personne sans son consentement ou par la menace ou le chantage est et restera TOUJOURS une agression sexuelle. La réaction de Bella est tout à fait approprié ensuite : de la colère, de la honte, qui se décuple face à l’absence totale de réaction de son père qui valide en plaisantant l'offense de Jacob sous prétexte qu’il apprécie le garçon plus qu’Edward. 
Parlons enfin de l’imprégnation avec Renesmée. Cette pratique plus que discutable suppose donc que les loup-garous s'imprègnent d’une personne qu’ils ou elles décident d’aimer et de protéger toute leur vie. Sur le papier, on va pas se mentir, c’est absolument magnifique. Mais en vrai eh bien hum. Jacob s'imprègne d’un enfant qui a littéralement 4 minutes chrono au compteur de vie, et bien qu’il nous martèle qu’il “NE LA VOIT PAS COMME CA VOYONS”, on ne peut pas ne pas se projeter dans 2 ans quand Renesmée aura atteint son âge/sa taille de croisière et qu’elle entamera potentiellement une relation amoureuse et sexuelle avec Jacob. Je vous le dis tout de suite : this is pédophilie. Les gars, quand on a 18 ans de plus qu’une personne qui vient de naître et qu’on décide d’attendre l’âge idéal pour copuler avec, cela s’appelle de la pédophilie. Je refuse de glamouriser, romantiser, ou glorifier ce lien qui m’avait choqué à l’époque, mais qui m’a RÉVULSE à ma relecture. Jacob Black mérite la poubelle, et même pas celle recyclable. 

5. La diversité 

Niveau diversité, on ne peut pas dire que la Meyer se soit foulée le poignet. Les blancs cis-hétéros VS les natifs américains cis-hétéros.

Meyer a fait de nombreuses recherches sur le sujet des Quileute et l’expose particulièrement dans New Moon. Elle utilise des rites et légendes propres aux Quileutes, et s’en approprient les codes pour les transformer de façon à rentrer dans son récit. Si on peut trouver intéressants cette idée, beaucoup d’essayistes ont démontré que réutiliser la riche mythologie et culture d’un groupe racial pour en servir un propos fantastique est discutable. D’ailleurs, on peut réaliser le regard relativement négatif que porte les personnages non Quileutes sur ce clan : ils sont régis par un système ultra patriarcale, qui exclue les femmes sinon au rang de simple femme à laquelle on s’accouple et qui fait la cuisine pour tout le reste du clan (Emily Young, la compagne de Sam) ou au rang de solitaire rejetée souvent moquée d’être un loup car c’est une femme (Leah Clearwater). Dans les légendes, la femme est une figure sacrificielle, qui ne sert que de leurre pour les ennemis, et n’a pas de rôle actif de combat comme peut l’être les femmes vampires. J’ai été donc un peu dérangé par certains aspect du traitement des natifs américains à cause de cela.

L’idée même du vampire, est une sexualité débridé, fluide, hyper libre et loin des schémas traditionnels du couple. Pour autant, Stephenie Meyer a réussi à proposer une vingtaine de vampires qui étaient TOUS … hétérosexuels. Tous les vampires ou presque ont des compagnons du genre opposés, et ils sont tous cis. L’idée de compagnon de vie n’est pas idiot, et est même plutôt chouette, l’idée que dans la famille Cullen tous vivent par deux, mais qu’on ne me fasse pas croire que des vampires soient tous hétérosexuels JE REFUSE DE L’ENTENDRE. J’ai donc trouvé ça insupportable de ce point de vue là, surtout vu la multitude de vampires secondaires et tertiaires qui apparaissent et disparaissent. Les deux seuls compagnons hommes sont les vampires Vladimir et Stefan, son ‘coven mate’. Dans mon monde idéal, j’espère qu’ils étaient en couple. 

6. La dépression

J’étais absolument passée à côté du sujet de la dépression lors de ma première lecture, et il aura fallu attendre que je vieillisse et que j’en souffre également pour réaliser à quel point ce livre parlait de façon ultra pertinente et factuelle de la dépression. De nombreuses figures au travers le roman traverse des épisodes dépressifs - humains et vampires - mais deux m’ont réellement marqué. 

Bella Swan, bien sûr, dans le tome 2 de la saga (New Moon) qui, larguée sans raison ni motif par Edward Cullen, se renferme et sombre lentement dans la dépression. C’est son meilleur ami Jacob qui lui permettra de rester à flot, et c’est une des raisons pour laquelle j’ai beaucoup aimé ce roman. Jacob est une bouée de sauvetage, sincère et présent, même s’il utilisera ensuite cette présence à son profit puisqu’il est amoureux de Bella. Mais pour la majeure partie de New Moon, comme il n’est pas encore loup-garou, son côté humain lui permet d’être moins belliqueux et violent, y compris dans sa relation avec Bella. De son côté, Bella ère sans but, est torturée par des crises d’anxiété et d’angoisse qui l’empêchent de dormir, perd le goût de s’amuser, et de vivre. Elle recherche le frisson et la mort pour capturer la présence d’Edward, jouant ainsi avec les dernières vibrations qui la gardent « en vie ». La façon dont la douleur est décrite est claire, crue, et totalement en phase avec ce qu’est réellement la dépression. C’est un des romans les plus détestés par les gens car il est lent, Edward n’est pas là, et les lamentations de Bella sont longues, très longues. Beaucoup de personnes n’ont pas envie de lire ça dans un roman comme Twilight et cela peut s’entendre, mais l’idée même de dépression est vraiment un sujet inhérent selon moi à la mythologie du vampire qui est par essence un être de doute, de spleen, de tristesse, et d’amertume. 

Le second personnage plus effacé dont j’ai réalisé durant cette relecture qui souffrait de grave dépression est Charlie Swan. Le shérif de Forks et père de Bella est un homme isolé, vivant seul dans une maison, incapable de se nourrir, de se charger de tâches ménagères, qui réussit à « respirer » dès lors qu’il est au travail ce qui lui permet focaliser son attention sur les problèmes de la ville et non les siens. Si j’avais toujours trouvé ce père très gonflé de laisser à Bella la charge des corvées à la maison, j’ai réalisé durant ma relecture que c’était en réalité un homme piégé dans une dépression de plus de 13 ans, depuis que sa femme l’a quitté. Dès qu’il est chez lui, il se réfugie devant sa télévision et ses matchs de Baseball, tente maladroitement parfois d’entamer un dialogue avec sa fille qui lui apporte pourtant une lente et douce porte de sortie. Je suis persuadée que le début de la guérison de Charlie intervient d’ailleurs durant Breaking Dawn, bien qu’on le voit peu durant ce roman, et ses liens de plus en plus proches avec les membres du clan Quileute (il a même une petite copiiiiine). Son côté rochon et sexiste est très souvent reproché à ce personnage que je trouve en réalité totalement incompris. Et c’est pour ça que c’est devenu après toutes ces années un de mes personnages favoris. 

7. L’inspiration georgienne/victorienne 

De façon absolument PAS SUBTILE DU TOUT, Stephenie Meyer nous fait comprendre tout au long de sa saga qu’elle aime vraiment beaucoup les romans de Austen, Brontë, Shelley, Gaskell, … Car la jeune Bella, totalement déconnectée de son époque et de sa génération se réfugie constamment dans la lecture de ces classiques. C’est un des sujets favoris entre Edward et elle, et en particulier « Les Hauts de Hurlevent » d’Emily Brontë puisque Bella compare très souvent sa relation à celle de Heathcliff à Catherine. Le drame shakespearien Roméo et Juliette est également souvent utilisé et permet de nourrir l’aspect ultra pathos de la relation condamnée de l’humaine et du vampire. Car s’il y a bien une chose que Twilight réussit bien, c’est de garder cet univers georgien/victorien très sombre, où le destin et les forces extérieures s’évertuent à rendre l’union entre Edward et Bella impossible à l’instar de Heathcliff/Catherine interdit de s’aimer de par leur condition sociale. 

8. L’adaptation cinématographique 

Difficile de disserter sur Twilight sans parler de son adaptation cinématographique. C’est surtout par ce support que Twilight s’est réellement démocratiser et s’est fait connaître du grand public, que ce soit les fans, les appréciateurs, les curieux, les haters, etc. 

Rapide topo : les droits d’adaptation pour Twilight ont été acquis par Lionsgate et Summit en 2005 et la sortie du premier film a été annoncée courant 2008. Au casting ? Eh bien, des inconnus. Robert Pattinson était à l’époque un sombre personnage secondaire de Harry Potter 4 qui était mort comme un cageot de pommes dans le fameux labyrinthe face à Donald Trump Voldemort. A mon époque, quand je zonais sur les réseaux sociaux aujourd’hui disparu ou déserté (LiveJournal, Tumblr, …) les fancast allaient bon train. Et pour l’internet, les gens voulaient : Emily Browning et Gaspard Ulliel. OUI JE SAIS C’EST SUPER BIZARRE mais l’internet est un endroit bien sombre vous savez. D'ailleurs Emily Browning était aussi le choix de Stephenie Meyer pour l'adaptation. Face à elle, Meyer avait une exigence. Elle voulait ... Henry Cavill. Malheureusement âgé de 24 ans au moment du tournage du film, Meyer le considère comme trop vieux pour incarner Edward. C'est donc Robert qui le remplacera alors que ce dernier a ... 20 ans. L’annonce du casting n’a donc pas forcément ravi les fans, et autant Kristen Stewart a rapidement été adopté, Robert Pattinson a longtemps été considéré comme “pas assez beau” pour être Edward Cullen (eh oui). Kristen Stewart était d’ailleurs la plus connue du duo puisque, enfant star, elle avait fait ses armes dans Panic Room auprès de Jodie Foster et avait joué très récemment à l’époque dans le film dont tout le monde parlait Into the Wild de Sean Penn. Mais jamais Kristen n’a été en tête d’affiche et a porté un film - UNE SAGA ! - aussi conséquente. Ils embarquent donc dans cette aventure et le premier film est confié à la réalisatrice (!!!!!!!!!) Catherine Hardwicke. 

Il en résulte un film BLEU. Bon, hormis ça et les légers soucis de réalisation, le film est plutôt … bon ? C’est un vrai film indépendant, très bien adapté, qui ne bascule pas dans le navet, mais n’est pas non plus un chef d’oeuvre. Les critiques sur ce film sont majoritairement très injustes et cristallisent des avis d’hommes ou de méprisants. Mais ça, j’y reviendrai plus tard. 

Dans sa globalité, la saga est très bien adapté. On peut déjà saluer la qualité du casting qui est absolument parfaite (OUI MÊME CARLISLE JE TROUVE PETER FACINELLI TRES BEAU EUKE J’ETAIS FAN DE FASTLANE), et notamment dans sa volonté d’embaucher que des acteurs d’origine natif américain pour jouer le Clan des Quileutes (bon j’ai pas vérifié un à un tous les loups donc si je me trompe faudra me corriger). 

Contrairement aux livres, je trouve que la qualité des films se maintient, et s’honore même dans son dernier opus (Breaking Dawn ayant été scindé en deux films distincts, je comprends toujours pas la pertinence de ce choix) de dépasser de loin la qualité du livre. Notamment cette incroyable scène de bataille finale entre tous les vampires qui manquait cruellement au livre, qui fait monter graduellement une menace et la promesse d’une fin épic qui ne vient jamais. Littéralement tout le cinéma, fan ou non fan des livres, a eu le souffle coupé devant cette scène qui a surpris tout le monde. Car quel intérêt d’avoir fait venir un casting de vampires si divers (Lee Pace et Rami Malek en vampire ça vaut le détour les gars) si c’est pour les laisser passivement regarder une discussion. 

Twilight ne sera jamais un chef d’oeuvre, mais il a été un tremplin incroyable pour ses deux vedettes : ne vous méprenez pas, si Kristen Stewart a un César et est une égérie Chanel et si Robert Pattinson est égérie Dior et le nouveau Batman, c’est ENTIÈREMENT grâce au succès de Twilight où ils ont pu faire leurs armes comme acteur (parce qu’on va pas se mentir, niveau actorat, ils pataugeaient clairement dans la semoule). 

9. Le rejet de l’oeuvre : les prémices du mépris littéraire et la cristallisation du sexisme envers la figure de la “fangirl”

Si Twilight est si mal vu - ou du moins l’a été autrefois nous y reviendrons - c’est principalement dû à la vive critique et moquerie émanant des deux catégories qui se regroupent parfois que sont : les hommes et les méprisants littéraires. 

Je commencerai par ceux que je nomme avec beaucoup de tendresse les “méprisants littéraires”. Toujours en activité, et fort bien capé, ce sont ceux qui se targuent de lire que de la “haute” littérature (entendez ici de la littérature classique/d’hommes blancs hétéros sexuellement très frustrés attirés par des très jeunes femmes/des livres primés par différents prix littéraires ou toutes les catégories vues précédemment). L’arrivée de Twilight a grandement bouleversé ces Méprisants qui se sont non plus retrouvés détenteurs du bien sacré qu’est le livre, puisqu’à présent la jeunesse se mettait à lire et à acheter des livres, et évidemment pas ceux que peut proposer le prof de français du Lycée Saint Jean de Baptiste du Christ Bien Béni. Twilight n’est pas un joyau d’écriture, mais il est devenu - sorry les haters - un classique. Il a marqué plusieurs générations, généré une somme pharaonique de simflouz pour Meyer, les maisons d’éditions, et Lionsgate. Vous me direz “l’argent ça fait pas la qualité”. Certes. Mais la vente génère un succès et donc un impact culturel non négligeable. Aujourd’hui, tout le monde connaît Twilight et Edward Cullen. 

Twilight est l’un des premiers succès Jeune Adulte. Après le succès jeunesse de Harry Potter, les vampires prenaient la place des sorciers dans la littérature. Si Harry Potter n’a jamais autant dérangé les Méprisants, c’est surtout qu’il permettait aux enfants de 9 à 14 ans de lire. Qui peut reprocher à un enfant de lire ? Le coeur de cible de Twilight est l’adolescence et donc un public de 14 ans et plus. Et évidemment, majoritairement féminin. Et s’il y a bien quelque chose que les gens détestent plus que tout, ce sont les filles adolescentes. 

Et qui détestent le plus au monde les femmes adolescentes ? Ce sont les hommes ! Car quand ces derniers ne sont pas occupés à les sexualiser avant l’heure, ils aiment beaucoup humilier leur passion, critiquer leurs hobbies, et moquer leurs préférences culturelles. Les hommes de 14 à 104 ans ont participé grandement au bashing de l’oeuvre, et surtout - SUUUURTOUT - de son adaptation cinématographique qui a ramené une seconde race de Méprisants : les cinéphiles. 

Visiblement, il est interdit d’aimer les vampires, les réécritures “teenage” de vampires (alors que nous sommes assez tolérants sur les adaptations jeunesse/jeune adulte des fantômes et sorcières), la romance, et des personnages lycéens. On peut reprocher objectivement des choses aux deux formats que sont les films et les livres, mais les critiques sur fond de moqueries se nourrissent du sexisme ordinaire ciblé dans la littérature  très orienté envers les femmes et surtout les adolescentes. La catégorisation “Roman pour fille” n’est pas née d’une idée de génie marketing, mais de la construction sociétale autour de sujets considérés par les Méprisants comme féminin : un homme, un vrai, il lit de la fantasy, avec des armées, des viols, des dragons, et du sang. Et l’on arrive à la réelle problématique qui est  qu’on ne peut plus lire ce que l’on veut sans évidemment recevoir jugement/critique que l’on soit un homme ou une femme SURTOUT quand on lit du Jeune Adulte. 


10. Une oeuvre intemporelle 

Durant cette relecture, je n’ai pas eu l’impression de relire une vieille saga qui a mal vieilli, comme on trouve parfois dans le Jeune Adulte : il suffit que trois ou quatre ans passent et PAF, les sujets sont mal venus, maltraités, maladroits. Si l’on peut reprocher à Twilight beaucoup de choses notamment sur son absence de diversité, l’essence même de l’oeuvre n’a pas vieilli, notamment grâce à la mythologie vampire particulièrement réussi et Bella qui reste totalement hors du temps puisqu’elle n’arrive, de base, pas à vivre dans son époque. Tous ces personnages, au même titre que ceux des romans victoriens et georgiens, arrivent par ce caractère “intemporel”, à transcender l’époque de la rédaction qui est le début du XXIème siècle. Si l’on prend également le coeur du roman à savoir une histoire d’amour impossible, avec des soupçons d’action, eh bien là aussi ça n’a pas vraiment pris une ride. Son seul défaut est d’avoir inspiré probablement trop de dérives dans son traitement maladroit de l’amour, comme nous l’avons vu précédemment. 

Que nous reste-t-il donc de Twilight ? Evidemment, Twilight n'engendrera jamais autant de nouvelles vagues de lecteurices que Harry Potter. Toutefois, c’est une oeuvre qui a su regagner ses lettres de noblesses grâce aux fans adolescent.es et jeunes adultes de l’époque. Aujourd’hui devenu bien plus adulte et mature, il est plus facile de défendre et d’assumer son amour pour une saga si décrier. La nostalgie et la mélancolie sont facteurs bonificateurs de l’art : combien de films, séries, romans, bande dessinées, comics ont gagné de la valeur grâce à l’effet de nostalgie portée par les premiers fans ? La réponse est : incalculable. Au même titre que les monuments des années 80 que l’on considère comme des classiques alors qu’il était décrié à l’époque, Twilight était, est et restera un monument culturel quelque soit son support. 




Cet article sera complété cet été avec un numéro spécial sur le podcast citronné du Lemon Adaptation Club. Abonnez-vous ! 

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