Trinkets a proposé un concept totalement inédit qui va - je pense - se répandre de plus en plus : la sortie (quasi) simultanée du livre et de la série.
Sortis le 13 juin et le 14 juin 2019, le roman publié en version traduite chez la Collection R et sa série adaptée diffusée sur la plateforme Netflix ont reçu un assez bon accueil.
C'est parti pour le combat de titan, qui de la série ou du livre remporte la palme du meilleur support médias ?
ATTENTION POTENTIELS SPOILERS !
Elodie Davis
Dans le livreLes passages d'Elodie sont très émouvants : rédiger en vers, elle arrive par la poésie à exprimer son profond malaise et sa solitude depuis le décès de sa mère et son déménagement. Le vol est un exutoire, une thérapie, elle réussit à percer l'épaisse carapace qui la protège grâce à son amitié naissante avec Tabitha et Moe.
Dans la série
Elodie est clairement le personnage principal de la série. Les premiers épisodes sont très concentrés sur elle, et elle occupe une large partie du temps à l'écran. C'est probablement parce que l'actrice, Brianna Hildebrand, est la plus connue du trio. Si ce visage vous dit quelque chose, c'est parce que Brianna incarne l'explosive Negasonic Teenage Warhead dans les films Deadpool. Son personnage bénéficie également d'un changement significatif puisqu'au lieu d'avoir une relation amoureuse avec le grand frère de Moe comme dans le livre (qui disparait d'ailleurs de la série), Elodie est en réalité gay et a un flirt avec une énigmatique chanteuse dans la série. Cette différence n'est pas anodine pour moi puisque nous avons une représentation non négligeable dans ce trio qui était tristement hétérosexuel dans le livre. Par ailleurs, l'accident avec sa mère est un trauma significatif pour le personnage qui doit l'affronter de nouveau dans la série avec le procès. Les images en flashbacks nous apprennent aussi la culpabilité portée par Elodie, et cela donne une profondeur beaucoup plus importante que dans le livre.
Résultat : Sans nul doute la série l'emporte et largement. Les libertés prises rendent le personnage bien plus intéressant et profond que dans le livre.
Moe Truax
Dans le livre
Moe est une outcast, elle ne rentre dans une aucune case. Sans être solitaire et exclue comme peut l'être Elodie, Moe est une forte tête et une personnalité qui est pote avec beaucoup de losers, mais n'a pas vraiment d'ami. Vivant seule avec sa mère, elle doit gérer Noah, son très charismatique et populaire voisin et ami d'enfance de qui elle est amoureuse mais qui refuse d'être vue avec elle au lycée.
Dans la série
La série a décidé de donner un peu plus de consistance féministe au personnage de Moe en disant que c'est elle qui refuse de dévoiler au lycée sa relation avec Noah. Elle se fait prendre au propre piège de sa relation physique avec son séduisant voisin populaire, et découvrira par elle-même qu'elle est amoureuse. En parallèle, Moe doit également gérer son père sorti de prison, mais aussi sa demande de stage à l'étranger en Corée. Elève brillante mais personnage très discret, Moe bénéficie d'une plus grande importance à l'écran et se dévoile réellement en fin de saison, ce que je trouve dommage.
Résultat : C'est encore une fois la série qui l'emporte, même si j'aurais aimé que son personnage soit un peu moins mystérieux durant une grande partie de la saison.
Tabitha Foster
Dans le livre
Tabitha est LA it-girl de l'école. La fille populaire à abattre. La fille belle, intelligente, riche, populaire, qui sort avec la vedette de lacrosse du lycée. Pourtant sous ce vernis de perfection se cachent de nombreux secrets qui la détruisent à petit feu : une famille dysfonctionnelle et un petit-ami toxique et violent.
Dans la série
En tout point semblable à son personnage dans le livre, Tabitha est le seul personnage qui n'a pas pris de grande liberté par rapport à son modèle littéraire. Ce n'est pas un reproche d'ailleurs, bien au contraire : l'actrice, Quintessa Swindell incarne à la perfection cette dualité constante entre la perfection affichée, et la destruction intériorisée. C'est d'ailleurs figuré dans la série avec le fait que le personnage possède deux comptes instagram : un public, rempli de photos superficielles, posées, plein sourire, et un compte instagram secret avec des messages cryptés, une sensibilité et une poésie sincère.
Résultat : Personnage totalement fidèle, donc je dirais égalité.
Les relations amoureuses
Dans le livre
Moe doit gérer le mépris de Noah, Tabitha son petit-ami violent Brady et Elodie découvre l'amour au fil des pages grâce à Marc, le grand frère de Moe. C'est un noeud important dans le livre, et resserre les liens entre les personnages quand elles traversent des difficultés.
Dans la série
Malgré les changements (statut pour Moe, sexualité pour Elodie), c'est un peu le même esprit dans la série. Si je détestais Brady dans le livre, celui de la série est absolument HORRIBLE. Calculateur, violent, oppressant, dangereux, étouffant, manipulateur, jaloux, et une tête d'anus en légo, le pauvre Brady est totalement détestable. Bien joué à l'acteur. J'aurais aimé que Tabitha n'est pas le personnage de Luka pour réussir à s'émanciper et qu'elle survive à cette expérience uniquement par le soutien de ses amies et de sa famille. Le personnage de Sabine, crush d'Elodie, semble tout aussi problématique à bien des niveaux, mais permet à Elodie de s'affirmer et de couper les ponts avec une famille qui ne demande pourtant qu'à la soutenir et à l'aimer. J'imagine que la saison 2 (et la conclusion donc) mettra en lumière les très mauvais aspect de Sabine dont je me méfie comme de la peste. Enfin, le couple Noah/Moe est assez touchant, j'ai vraiment aimé leur relation avec les hauts et les bas.
Résultat : LJe préfère toujours les histoires d'amour dans les livres, et j'ai trouvé le personnage de Luka totalement niais dans la série. Toutefois, la série amène des choses intéressantes. Égalité.
Les parents
Dans le livre
Difficile d'avoir des parents parfaits dans les livres YA. Pourtant, dans Trinkets, malgré leurs nombreux défauts et les épreuves qu'ils font traverser à leurs filles, les parents tentent de réussir de leur mieux dans l'éducation. La mère de Moe, le père et la belle-mère d'Elodie sont des piliers importants pour leurs filles, tandis que les parents de Tabitha préfèrent se noyer dans le paraître et le faux-semblants plutôt que d'admettre la mort de leur mariage.
Dans la série
La relation entre les parents de Tabitha est complexe, difficile, surtout pour la mère qui préfère s'adonner corps et âmes à son compte instagram que d'affronter l'infidélité de son mari. Elle n'est pourtant pas aussi creusé et profonde que dans le livre, où Tabitha se démène pour soutenir sa mère. La relation entre Moe et sa mère est aussi magnifique, mais ternie par le fantôme d'un père délinquant et absent, qui n'a jamais été présent pour sa fille. J'ai trouvé paradoxalement la série très dure envers le père et la belle-mère d'Elodie, qui, malgré leurs défauts, sont confrontés à la crise d'adolescence à retardement d'Elodie qui gère difficilement le deuil de sa mère. Le silence étouffant de son père sur ce sujet et le déménagement surprise ne lui ont pas permis de se reconstruire, mais cela est peu dit dans la série.
Résultat : Je dirais le livre pour la profondeur des relations et leurs impacts sur les personnages.
La construction du récit
Dans le livre
Les chapitres se succèdent et les trois jeunes filles narrent tour à tour leurs déboires et leur quotidien. Cela rend le livre ultra dynamique, fluide, très facile et rapide à lire. Leurs styles est différents (Elodie en vers, Moe un langage sec et concis, Tabitha fluide et recherché. Cela permet aussi de connaître le regard qu'elles ont les unes sur les autres, et son évolution tout au long du récit, passant ainsi de parfaite inconnue à amies sincères.
Dans la série
Si Elodie est le personnage central dans les premiers épisodes de la série, Moe et Tabitha prennent petit à petit le relais pour obtenir plus de scènes "seules" avec leurs problèmes à l'écran. Il y a toutefois un déséquilibre notoire qui est dommage puisqu'on a du mal à réellement observer une évolution dans les personnages et on a même l'impression de voir des choses arriver comme un cheveu dans la soupe. Du coup, la narration est moins fluide, les épisodes étant inégaux dans le partage du temps à l'écran. C'est très dommage, notamment quand Moe fait sa "révélation" finale, on a surtout l'impression que cela sort de nul part.
Résultat : Le livre, de très loin.
Résultat final
La série est une excellente adaptation, qui dépasse de loin l'aspect parfois superficiel du roman. Je dirais que ce sont deux supports assez différents, mais complémentaires pour apprécier totalement la série ou le livre. Si vous avez aimé l'un, foncez lire ou voir l'autre. Pour ses choix intéressants, son rythme et sa réalisation, je dirais que le gagnant est la série Netflix, d'un tout petit poil de chat bien brossé.
Le livre
Disponible en anglais et en français.
La série
Disponible sur la plateforme de vidéo en ligne Netflix.
Aucun commentaire